Deuxième succès pour Deep Climate : retour sur la mission Laponie

Deep Climate, deuxième volet bouclé ! Les 4 et 5 avril dernier, Christian Clot et les climatonautes sont rentrés en France après avoir réalisé un périple de plusieurs semaines en Laponie, au-delà du cercle polaire arctique. Une nouvelle expédition durant laquelle l’équipe a rencontré des températures glaciales et de rudes conditions qui ont éprouvé les corps et les esprits. 

Pourquoi une expédition en Laponie ?

Après avoir la forêt tropicale de Guyane, c’est donc dans un autre milieu extrême – le grand froid de Laponie – que l’étude s’est poursuivie. Mais la question se pose souvent : pourquoi choisir un milieu froid alors que nous allons subir un réchauffement climatique ? Les raisons ne manquent pas en réalité.

Comme l’explique Christian Clot : « Il faut d’abord souligner que le terme réchauffement climatique n’est pas parfaitement exact. Nous devrions plus parler de « dérèglement » climatique. Car si nous parlons bien d’un réchauffement de 1,5 à 4°C global annoncé, cela va en réalité provoquer plus de chaleur à certains endroits, mais aussi par compensation des vagues glacées dans d’autres lieux. Ce dérèglement va en réalité créer bien plus de versatilité météorologique, avec des épisodes extrêmes plus fréquents, ce qui arrivera aussi en Europe, surtout au nord ».

C’est pourquoi il est nécessaire d’étudier tous les types de climats, car tous pourront survenir dans le futur. De la même façon il est nécessaire d’étudier aussi les changements profonds du quotidien, « avec des températures pouvant « sauter » de plus de 30°C d’une journée à l’autre voir dans la même journée, ce que nous offre justement la Laponie en fin d’hiver », précise Christian Clot.

Et d’ajouter « n’oublions pas, enfin, que nous ne sommes pas les seuls, en Occident, à vivre les problématiques climatiques. Et qu’au-delà des climats locaux en évolution, il y a aussi la réalité des migrations, climatiques ou non. Une personne partant d’Afrique centrale se retrouvant en France en hiver va subir un différentiel de température largement aussi important que nous, vivant en milieu tempéré et nous retrouvant soudain à -30°C ».

Trois semaines dans les terres glacées de Laponie

A leur départ, Christian Clot et les climatonautes ont été déposés au hameau du Sikovuono, au bord du lac Mutusjärvi. Ils ont progressé jusqu’à la frontière nord de la Finlande, au village d’Utsjoki, en passant par l’est et la zone sauvage de Kaldoaivi (Kaldoaivin erämaa), la plus grande zone sauvage de Finlande. Un itinéraire qu’ils ont réalisé à skis en tirant des pulkas contenant toutes leurs affaires, soit l’équivalent de 40 à 80 kg par personne en fonction des aptitudes physiques de chacun.

Durant cette mission, l’équipe a avancé tous les jours ou presque. Chaque matin, ils devaient ainsi démonter le camp qu’ils avaient mis trois à quatre heures à monter la veille, handicapés par les moufles et le grand froid. Ils progressaient ensuite d’entre huit et 16 kilomètres par jour, selon les conditions du terrain, de la quantité de neige, de la météo et autre. Si tirer un traîneau peut sembler aisé sur un terrain plat et nu, la tâche devient en effet beaucoup plus complexe lorsque l’on évolue sur un terrain enneigé. Et que le traîneau pèse plusieurs dizaines de kilos.

Une fois la progression du jour achevée, Christian et les climatonautes devaient à nouveau installer leur camp durant trois à quatre heures avant de pouvoir se reposer au chaud, se restaurer et pouvoir mener les éventuels protocoles scientifiques à réaliser. « À chaque milieu sa problématique pour installer nos camps, pour 20 personnes. En Amazonie, il nous fallait trouver assez d’arbres pour monter tous nos hamacs et environ 2 heures pour nous installer en déblayant bien le sol pour la sécurité. En Laponie, c’était encore plus long», avoue le leader des expéditions.

Chaque jour, l’équipe devait également faire de l’eau pour répondre aux besoins de chacun, soit un total de 80 litres d’eau par jour. Bien que neige et glace soient abondantes dans les paysages lapons, produire de l’eau représentait une tâche longue et coûteuse en énergie sur laquelle il était impossible de faire l’impasse pour pouvoir boire, s’alimenter et surtout se réchauffer.

Skier, tirer une pulka, monter/démonter une tente, faire fondre de la neige, avancer à un rythme de groupe, autant de choses que les volontaires ont dû apprendre peu à peu, plongés dans le décor givré de l’extrême nord. Avant leur départ, plusieurs d’entre eux avaient fait part de leurs craintes vis-à-vis du froid qu’ils allaient devoir affronter. Trois semaines après, ils le confirment : les températures glaciales ont été l’une des principales difficultés de la mission.

Pas seulement parce que le thermomètre tombait bien en dessous de zéro mais aussi parce qu’il connaissait de grosses variations. De même pour la météo qui a offert des journées dégagées et ensoleillées comme des chutes de neige balayées par le vent. « Le plus difficile en Laponie était vraiment la variabilité du climat qui changeait très souvent. La météo était très évolutive avec des tempêtes, des moments très froids, d’autres moins froids. On ne savait jamais ce qui nous attendait chaque jour », raconte Christian Clot.

A leur retour, la peau des volontaires portent encore les stigmates de la morsure du froid. Pour certains, cela se résume à de simples rougeurs sur le visage, d’autres souffrent de gelures un peu plus étendues ou d’irritations douloureuses sur quelques parties du corps. De même, si tous les doigts et orteils sont revenus avec leurs propriétaires, plusieurs sont encore engourdis et peinent encore à retrouver leur sensibilité. Le manque de sommeil se fait aussi cruellement ressentir, notamment pour ceux que le froid a empêché de dormir sur leurs deux oreilles.

La science en Laponie

Entre les quelques gelures, les doigts encore engourdis, les quelques kilos en moins (ou en plus), les corps des climatonautes livrent un aperçu des difficultés qu’ils ont rencontrées dans ce milieu au froid extrême et versatile. Mais quels impacts ces conditions ont-elles réellement eu sur les organismes des volontaires ? Pour le savoir, il faudra laisser parler « la science ».

Comme dans la forêt tropicale de Guyane, le groupe a mené différents protocoles scientifiques durant le périple pour évaluer les modifications organiques connues par chacun. Des tests sensoriels, cardiaques, des mesures de température corporelle, des questionnaires, des suivis de sommeil… Une grande tente dôme était montée dans le camp pour mener à bien certains tests mais les tâches ne se sont pas toujours avérées simples au vu des conditions.

Avec les températures glaciales, certains appareils avaient des difficultés à fonctionner et devaient être réchauffés manuellement, glissés par exemple dans une combinaison, pour daigner prendre des mesures. Ce qui n’a pas empêché les climatonautes de rapporter quantités de données à analyser aux scientifiques qui participent au projet.

De retour en France, la tête encore dans les paysages de Laponie, les climatonautes s’appliquaient déjà à crémer les traces laissées par le froid sur leur corps. Avant de prendre un repos bien mérité mais bref. Dès le mois de mai, ils repartiront pour la troisième et ultime étape du projet Deep Climate qui les mènera dans le milieu chaud et aride d’un désert d’Arabie Saoudite.